On parle souvent de ces gens qui viennent aux funérailles de parfaits inconnus pour assouvir leur pulsion morbide. Eh bien, c'est à mon tour d'en parler.
Lieu : Saint Gemmes sur Loire, hôpital psychiatrique.
Vous ne savez très certainement pas comment se déroule les journées en HP, eh bien, je vais vous le dire.
On se lève, on prend papa médicament, puis viennent ensuite la maman et toute une tripotée d'enfants. Petit déj', déjeuner, médicaments dîner.
A part ça, on fume des clopes. Et ceux qui ne fument pas alors ? Eh bien... Qu'ils aillent se faire foutre. Mais je caricature. Il y a l'atelier «petites mains» où tu te salis avec de la glaise, y a aussi l'atelier... Oh et puis merde ! Venons-en au fait, s'il vous plaît ! Du sang, du cul, de la violence ! T'en veux, hein ? Bah tu vas être servi.
Mais, je vais faire durer le suspense, après tout, je suis payée au mot.
A Saint Gemmes sur Loire, il y a toute une faune de gens tous plus décalés les uns que les autres. Des autistes, des fous et des moins fous. Quelques débiles aussi, allez, rajoutons-en pendant qu'on y est. En fait, on retrouve là-bas tous les malades dont la famille ne détient pas le fric pour qu'ils soient pris en charge correctement. Mais là n'est pas le sujet.
Tout a commencé avec ce type, Tom. Je l'ai rencontré là-bas, et dès le jour, il m'a plu. Ou du moins son physique. Nous étions très différents. Lui un peu bourru, avec des airs de matou fanfaronneur. Moi, eh bien, je suis celle que vous connaissez tous, mais que vous ne connaitrez jamais réellement. Je me jette des fleurs ? Peut-être, ou peut-être que je cache bien mon jeu.
Mais le fait est que ce mec et moi, nous avons vécu une «histoire d'amour» au sein de cet hôpital. Autant que faire ce peut, surtout quand on est incapable d'amour. Brefons brefons !
Il est sorti de l'HP, j'm'en suis tirée aussi. Tu vois, l'histoire ne se termine pas si mal !
Mais ça ne s'arrête pas là. J'ai oublié de dire le plus important : il était schizophrène et drogué au crack. En gros, il était condamné.
J'ai perdu le contact, je ne l'ai plus rappelé, on ne s'est plus revu. J'avais repris mon ancienne vie, avec quelques changements. Un soir, un autre gars de l'hosto m'appelle :
Eh, t'as entendu la nouvelle ?
Mec, j'm'en branle de tes nouvelles.
Pas de celle-ci, tu peux me croire.
Dis toujours.
Tom est clamsé !
Quoi ?!
Ouais, il est crevé. J'en sais pas plus.
Au revoir, au revoir. Je crois à une grosse blague bien dégueulasse donc je passe la soirée tranquille. Mais, c'est plus fort que moi, ça me titille quand même... J'appelle le portable de Tom : rien, il est éteint. Je rappelle le lendemain, toujours rien. J'm'inquiète, normal. Puis je reçois un coup de fil, un autre type toujours de l'HP. Même conversation.
Mais je ne vous raconterai pas la suite.
Venons-en aux activités thérapeutiques de l'hôpital psychiatrique de Saint Gemmes sur Loire. Imaginons un peu la scène, tu veux ? Alors je sais pas si tu captes comment sont organisées les activités dans un HP, mais je veux te le dire : Une salle, des chaises, des tarés et des «soignants». Ils discutent, souvent de sujets inutiles, tout le monde s'en contrefout et fait tout pour échapper à ces foutues réunions. Mais cette fois-ci mon pote, t'inquiète, ils vont se régaler.
Tom est mort. Nous allons emmener des gens à la messe, pour montrer que nous sommes présents et soutenons sa famille.
Jusque là, tout est normal. C'est même assez compréhensible. Ce qui l'est moins, mec, c'est ça :
Qui veut venir ?
Vote. Des mains se lèvent. Des gens qui connaissent Tom. Oui, oui. Mais aussi une fille, là, qui ne le connaissait pas. Et crois-moi, je le sais de source sûre. Cette fille ne le connaît pas. J'me dis : «Mais pourquoi lève-t-elle la main, cette connasse ?». Osef, comme dirait l'autre. C'qui compte, c'est qu'on l'autorise à aller à cette messe. La messe de mon putain de Tom.
J'comprends pas. J'ai du mal à piger ses motivations, alors j'gamberge un peu. J'me dis qu'elle est triste, qu'elle veut rendre hommage à ce garçon. Mais cette nana, j'la connais d'puis des années, d'puis l'ASE. Et crois-moi encore une fois, c'est pas une sainte.
Alors j'pense au pire : elle kifferait bien voir un macab'.
BIG DEDICASSE : CA TE FAIT MOUILLER CA, HEIN SALOPE ?
Bah j'te comprends parce que... MOI AUSSI !