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Mardi 26 mai 2009 à 13:58

Entropie

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- Pourquoi fais-tu ça ?
- Pour lutter contre le désoeuvrement et l'entropie.
- C'est quoi, l'entropie ?
- L'entropie, c'est la matière qui, inéluctablement se désagrège.
- Si c'est inéluctable, pourquoi tu luttes ?
- Parce que si tu te laisses envahir par ce miasme, tu ne peux plus t'en sortir, et tu te désagrèges plus vite.


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La première fois, elle me pris la main, la gauche. Elle caressa mes cheveux. Je sentais son souffle dans mon cou. Elle avait la tête posée sur mon épaule, la droite.
La seconde fois, elle me prit les mains, et m'embrassa.
La troisième fois, elle me caressa les bras, le visage, et défit mes vêtements.
Nous étions dans une bulle brûlante et invisible. Il y faisait bon, l'atmosphère était lourde et bienveillante. Nous flottions parmi les étoiles...
La quatrième fois, c'est moi qui fis le premier pas. Nous étions bien, ensemble, elle et moi.

Lundi 25 mai 2009 à 10:33

Cercle


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C'était une pauvre gamine... Remplie de rêves ou inaccessibles ou bafoués, de souvenirs criant à la tromperie et au désespoir, de vide aussi... Cette pauvre gamine n'était plus qu'un trou béant, depuis que sa raison de vivre s'en était allé. Elle n'avait plus la force de rien, ni celle de vivre ou même d'exister, ni celle d'aller mal, assise sur sa chaise, en attendant que les heures passent.
La pauvre gamine avait tant de fois pratiqué ce rite devenu inutile. Rester là, dans son fauteuil, à attendre que passent les heures et que viennent les raisons d'aller mieux. Ce stratagème complètement usé ne fonctionnerait plus : on était en juillet. Et comme chaque été, pauvre gamine se laissait aller à ses hallucinations destructrices et à sa solitude. Elle hurlait silencieusement sa souffrance, des jours durant, des semaines durant, des mois durant. Elle était seule, totalement seule. Mais, cette pauvre gamine, en dépit de son malheur, était consciente du fait que le théâtre de son impie douleur se situait juste là, dans son crâne tant aimé et chérit (par elle-même et par les autres).
Elle savait que tout se jouait de façon psychique, qu'elle n'était pas abandonnée... Tout ces gens qui l'aimaient et pensaient à elle, ils étaient la, quelque part, mais ils ne pouvaient lui parler, la réconforter, l'aimer, l'aduler, se trainer à ses pieds. Malgré ces maigres consolations, la gamine se sentait toujours mal, toujours si mal.
Elle aurait pu se laisser torturer dans son théâtre tant déifié, mais, voila que se posait un problème : Gamine avait décider de ne plus souffrir.
Alors, contre toute attente, elle fit l'une des plus horribles choses qu'elle pouvait se faire. Elle se détesta, se détruisit, se fit pitié, se réduisit à une moins que rien et ce pendant tout un après-midi.
Elle voulait toucher le fond, pour se donner un élan, et pour remonter à la surface, qu'elle puisse enfin reprendre son souffle.
La pauvre gamine ne sait toujours pas si son plan a fonctionné. Elle a la tête lourde, encore remplie de ses hallucinations dû aux drogues absorbées la veille. Elle reste là, assise, attendant que les heures passent, et qu'elle atteigne enfin l'air.

Samedi 23 mai 2009 à 17:25

La Beauté Droïde

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Ce fut dans ses yeux que je remarquais pour la première et la dernière fois son humanité. Sa porte ouverte sur l'âme. J'y lu tant de choses à la fois ; trop de choses. J'y lu l'Amour, la Haine, la Passion et l'Indifférence. La Joie et la Peine. Elle était le Centre des émotions.
Aucun humain n'était plus vivant qu'elle en cet instant précis. Elle incarnait le Dernier Refuge, l'endroit où tout sentiment se réfugiait, se concentrait pour se ressourcer. Pour la première fois, quelqu'un, Elle, frôlait la Vie. Nous autres, humains, n'étions que de simples lambeaux de chair maladroitement cousus ensemble. Nous n'étions que de vagues chimères de ce qu'aurait été la Vie si elle avait été accordée à tous.
Nous n'étions que des cadavres marchant, parlant, gesticulant. Et Elle... Elle était la Vie. La Vie et les Emotions. L'on aurait pu se perdre dans la profondeur de son regard. Elle était belle. De cette sorte de Beauté que la Vie nous insuffle. Ses simulacres d'expressions faussement humaines n'avaient plus de raison d'être sur son si joli visage. Elle qui était l'emblème tant adulé de la Beauté Plastique, de la Beauté Droïde.
Son visage de fausse chair ne bougeait plus, figé dans une expression neutre. Aucun sourire, pas un battement de cil. Tout s'exprimait dans la tempête de ses pupilles.
Et pour la première et dernière fois, je vis Droïde être plus humaine que tous nos semblables passés, présents, futurs.
Et ce concentré de Vie, cette énergie à l'état pur me prit, jouant avec mes membres et mon esprit. Je n'étais plus. Je n'existais plus, transporté par la Jouissance.
Et je fus Elle, je fus Droïde dans les derniers instants qui précèdent la Mort.
"Porte-moi, Jouissance !"

*
* *

- "Eh merde ! Il est mort ! Dis papa, tu veux bien me racheter un autre humain ?"

Samedi 23 mai 2009 à 15:46

 
Journal d'un cyborg


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            Je marchais, les bras balants, la tête basse, borg que j'étais, prisonnière des chaînes de l'Education. Le vent sifflait, la femme avançait toujours, devant moi. Le ciel, de son gris quotidien, me narguait, se mouvant comme l'une de ces catins que l'on payait en échange d'un petit moment de bonheur, ou d'illusion, à vous de choisir. Il m'appelait, alléchant, m'incitait à le rejoindre, à danser avec l'une de ses sirènes de filles. Mais je n'avais pas d'ailes.

Je marchais donc, la queue entre les jambes, petit rouage perdu au sein d'un immense engrenage.

            Et la femme me conduisait, toujours, des heures durant, vers ces colossaux bâtiments d'apprentissage. Il était froid, le temps était aux pleurs et à l'impuissance. La poussière, de son gris coutumier, courait, poussée par les airs. Un violon désaccordé, sorti de je ne sais où, se fit entendre, formant une suite de notes dissonantes, comme essoufflées. La musique se joignait aux milliers d'élégies hurlées par des milliers d'oiseaux bafoués, violés par l'énorme chose contre-nature qui s'élevait jusque dans les nues, qui se perdait jusqu'aux bords de l'horizon. Cette monstruosité, cette horreur impensable, souriait de toutes ses dents carnassières. Ses pensées inhumaines me suivaient où que j'allais, sa voix me sussurait à l'oreille, nuit et jour, déposant en mon esprit, son lit de douleur. Ses griffes vengeresses me déchirant, laissant mes tripes de métal pendre pathétiquement hors de mon corps mi d'acier mi de chair.

            Enfin, je franchis les grandes portes coulissantes. L'intérieur du local était sombre et glacial. La troupe d'écrans plats me faisait désormais face, me répétant sans cesse telle et telle loi. Je préférais détourner le regard, me concentrant sur le dos de la femme. Elle était humaine, cela ne faisait aucun doute. Mais où était passée son âme ? Elle déambulait, le pas raide, comme l'un de ces droïdes qui dataient de l'avant-guerre, simulacres vaguement humains. Le droïde-femme ne m'adressait pas la parole, débordée par je ne sais quelle paperasse administrative imaginaire. Elle était bel et bien morte, et pourtant, elle marchait. Elle marchait de son pas raide et saccadé.

            Je me demandais ce qui avait bien pu la faire changer à ce point. Un lavage de cerveau, sûrement. Une petite piqûre, un film ou deux, de la propagande à tout va. "Si vous faites ce que l'on vous DICTE, vous monterez l'échelle sociale jusqu'au summum." Mais, personne, malheureusement, ne comprennait que seuls les hauts-nés pouvaient diriger. Notre système politique, se nommant lui-même Démocratie, ressemblait étrangement à une monarchie. Les mêmes familles se passant le pouvoir de génération en génération, le Grand Conseil rempli de gens à la cervelle écrasée. En un mot, inefficace. Et la planète tournait, peuplée de créatures désespérées, naïves ou sans jugeote aucune.

            Il fallait maintenant prendre à droite, si je voulais en finir pour cette nuit. Le corridor était sordide, comme si quelque crime innommable s'y était produit. Des traces de moisissures décoraient les murs d'un blanc sale. Les plafonniers, vétustes, éclairaient l'endroit par intermitence. L'air était humide et désagréable, des odeurs fugaces, peu rassurantes, flottaient çà et là. La porte, de son gris habituel, me faisait des gestes obscènes, tout en restant immobile aux yeux de tous. Peut-être avait-elle été placée là pour me conduire à ma perte, pour me rappeler, comme ces écrans, comme cette bète contre-nature, que je ne pouvais gagner, que jamais aucune issue ne se présenterait à moi. Peut-être aussi était-elle là pour fermer la pièce qui contenait les valises. Qu'en sais-je ?

            La femme-morte, pour la première fois, se retourna, après avoir ouvert la porte-monstre. Je connaissais son regard, pour l'avoir vu des milliers de fois chez des milliers d'administratifs-morts, je comprennais ce qu'il signifiait. Et malgré ma rage, malgré mon désir de m'enfuir et d'ensuite lutter contre le monde, de joindre les petits clans de résistants qui partout se créaient, j'obéis, m'exécutais. La mort dans l'âme, le coeur au bord des lèvres, j'entrais dans la pièce que le monstre gardait. J'y pris mon bagage et suivis la femme.

 

 

            Une nouvelle année commençait.

 

 

 

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