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Dimanche 24 mai 2009 à 19:57

Un vieil homme et la poussière

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Il était l'histoire d'un homme qui chaque jour attendait le bus. Ce dernier devait le conduire à je ne sais quelle ville, perdue dans je ne sais quel pays. L'homme était vieux, il sortait chaque matin de sa maison mi de ruines mi de souvenirs et avançait de son pas chancelant vers l'ancien arrêt qui, miraculeusement, n'avait pas été détruit.
L'atmosphère, saturée d'une poussière radioactive, était lourde et semblait en discorde avec le soleil. Le disque de vie s'en était allé éclairer ceux qui le méritaient.
Il attendait donc, des heures durant, passant par plusieurs phases de comportements. Il était tout d'abord inquiet, c'est qu'il ne pouvait se permettre d'être en retard au travail. Son patron le lui avait déjà dit, il en serait sanctionné. Puis, il commençait à s'énerver, pestant contre la compagnie de bus qui n'assumait pas ses engagements vis-à-vis de ses dépendants. Enfin, il s'inquiétait de nouveau, remarquant alors que personne ne l'accompagnait dans sa vaine attente. Il était seul, et il rentrait chez lui, malheureux que le bus l'ai une fois de plus abandonné.
Et même lors de son long trajet de l'arrêt à son domicile, le vieil homme ne paraissait pas s'apercevoir que son passé tout entier l'entourait, qu'il était le seul, le dernier. Il marchait, s'appuyant sur sa canne, au milieu des immeubles disloqués, jaunis par les années et la poussière meurtrière. Il marchait sur les pavés fendus, n'y prétant pas attention, trop attristé par sa situation, se demandant ce qu'il pourrait bien dire à son patron, une fois qu'il le verrait.
Ce qu'il ne savait pas, c'est que cet homme qui lui voulait tant de mal était mort, une bonne décennie auparavant. Il était mort comme tous ses semblables et seul ce vieil homme semblait avoir survécu au Cataclysme.
Une fois rentré dans sa demeure faite de fantasmes psychotiques, il retrouvait son fantôme de femme qui geignait, l'accusant de tous les torts, surtout celui de rater le bus. Alors, le vieil homme retenait ses larmes, malheureux de ne pouvoir contenter son épouse tant aimée.
Il faisait la cuisine, préparant de délicieux plats de viandes et de légumes. Et il était fier car, après tout, qui les avait fait pousser, ces carottes ? ces poireaux ? Lui ! Lui et lui seul ! Il préparait donc le délicieux repas, la voix de sa femme le félicitant pour la bonne odeur s'élevant des casseroles. Mais, le vieillard ne se rendait pas compte que les légumes étaient en fait les débris de pierres trouvées dans son potager et que l'odeur était celle de l'assassine poussière. Une fois la nourriture dans l'assiette, l'homme appelait son épouse et ses enfants, et tous mangeaient joyeusement. L'écho des rires enfantins résonnaient entre les quatre murs défraîchis, semblant presque réels et pourtant, une nuance éteinte et douloureuse les accompagnait.
Outre les visions du dernier homme, il se nourrissait seul de cailloux qu'il mâchait tant bien que mal, se faisant la réflexion que les pommes de terre n'étaient pas cuites. Et le rire de ses enfants, exprimant leur hilarité après un trait d'esprit de leur père, n'étaient en fait que le souffle du vent qui créait un courant-d'air dans la maison du fou.

Dimanche 24 mai 2009 à 19:35

Une si jolie petite fille


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Une si jolie petite fille... Oh oui, pour être jolie, elle l'était.
C'était le genre de beauté froide, triste, torturée, distante.
Et plus cette petite fille souffrait, plus elle était belle et plus elle resplendissait.
Et plus sa beauté se renfonçait, plus la petite fille souffrait.
C'est que, voyez-vous, cette petite fille ne connaissait que la douleur, et forcément, elle l'aimait.
A chaque fois qu'elle rencontrait le bonheur, elle gâchait tout.
Cette petite fille aimait souffrir.
Et grâce à cette souffrance, elle créait, et plus elle créait, plus elle souffrait.
Et plus elle souffrait, plus son corps dépérissait et plus elle comprenait.
Et plus elle comprenait, plus son corps dépérissait.
Plus elle mourait et plus elle était belle.
Belle de cette beauté froide, triste, torturée, distante.
Et plus elle était belle, plus les autres la haïssaient.
Et plus ils la haïssaient, plus elle souffrait, créait et resplendissait.
Cette petite fille, devenue trop fragile pour le monde qui l'environnait, mourut de son art,
de sa fièvre, sa soif de connaître, de comprendre, de souffrir et d'être belle.

Samedi 23 mai 2009 à 17:25

La Beauté Droïde

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Ce fut dans ses yeux que je remarquais pour la première et la dernière fois son humanité. Sa porte ouverte sur l'âme. J'y lu tant de choses à la fois ; trop de choses. J'y lu l'Amour, la Haine, la Passion et l'Indifférence. La Joie et la Peine. Elle était le Centre des émotions.
Aucun humain n'était plus vivant qu'elle en cet instant précis. Elle incarnait le Dernier Refuge, l'endroit où tout sentiment se réfugiait, se concentrait pour se ressourcer. Pour la première fois, quelqu'un, Elle, frôlait la Vie. Nous autres, humains, n'étions que de simples lambeaux de chair maladroitement cousus ensemble. Nous n'étions que de vagues chimères de ce qu'aurait été la Vie si elle avait été accordée à tous.
Nous n'étions que des cadavres marchant, parlant, gesticulant. Et Elle... Elle était la Vie. La Vie et les Emotions. L'on aurait pu se perdre dans la profondeur de son regard. Elle était belle. De cette sorte de Beauté que la Vie nous insuffle. Ses simulacres d'expressions faussement humaines n'avaient plus de raison d'être sur son si joli visage. Elle qui était l'emblème tant adulé de la Beauté Plastique, de la Beauté Droïde.
Son visage de fausse chair ne bougeait plus, figé dans une expression neutre. Aucun sourire, pas un battement de cil. Tout s'exprimait dans la tempête de ses pupilles.
Et pour la première et dernière fois, je vis Droïde être plus humaine que tous nos semblables passés, présents, futurs.
Et ce concentré de Vie, cette énergie à l'état pur me prit, jouant avec mes membres et mon esprit. Je n'étais plus. Je n'existais plus, transporté par la Jouissance.
Et je fus Elle, je fus Droïde dans les derniers instants qui précèdent la Mort.
"Porte-moi, Jouissance !"

*
* *

- "Eh merde ! Il est mort ! Dis papa, tu veux bien me racheter un autre humain ?"

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