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Samedi 23 mai 2009 à 17:25

La Beauté Droïde

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Ce fut dans ses yeux que je remarquais pour la première et la dernière fois son humanité. Sa porte ouverte sur l'âme. J'y lu tant de choses à la fois ; trop de choses. J'y lu l'Amour, la Haine, la Passion et l'Indifférence. La Joie et la Peine. Elle était le Centre des émotions.
Aucun humain n'était plus vivant qu'elle en cet instant précis. Elle incarnait le Dernier Refuge, l'endroit où tout sentiment se réfugiait, se concentrait pour se ressourcer. Pour la première fois, quelqu'un, Elle, frôlait la Vie. Nous autres, humains, n'étions que de simples lambeaux de chair maladroitement cousus ensemble. Nous n'étions que de vagues chimères de ce qu'aurait été la Vie si elle avait été accordée à tous.
Nous n'étions que des cadavres marchant, parlant, gesticulant. Et Elle... Elle était la Vie. La Vie et les Emotions. L'on aurait pu se perdre dans la profondeur de son regard. Elle était belle. De cette sorte de Beauté que la Vie nous insuffle. Ses simulacres d'expressions faussement humaines n'avaient plus de raison d'être sur son si joli visage. Elle qui était l'emblème tant adulé de la Beauté Plastique, de la Beauté Droïde.
Son visage de fausse chair ne bougeait plus, figé dans une expression neutre. Aucun sourire, pas un battement de cil. Tout s'exprimait dans la tempête de ses pupilles.
Et pour la première et dernière fois, je vis Droïde être plus humaine que tous nos semblables passés, présents, futurs.
Et ce concentré de Vie, cette énergie à l'état pur me prit, jouant avec mes membres et mon esprit. Je n'étais plus. Je n'existais plus, transporté par la Jouissance.
Et je fus Elle, je fus Droïde dans les derniers instants qui précèdent la Mort.
"Porte-moi, Jouissance !"

*
* *

- "Eh merde ! Il est mort ! Dis papa, tu veux bien me racheter un autre humain ?"

Samedi 23 mai 2009 à 15:46

 
Journal d'un cyborg


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            Je marchais, les bras balants, la tête basse, borg que j'étais, prisonnière des chaînes de l'Education. Le vent sifflait, la femme avançait toujours, devant moi. Le ciel, de son gris quotidien, me narguait, se mouvant comme l'une de ces catins que l'on payait en échange d'un petit moment de bonheur, ou d'illusion, à vous de choisir. Il m'appelait, alléchant, m'incitait à le rejoindre, à danser avec l'une de ses sirènes de filles. Mais je n'avais pas d'ailes.

Je marchais donc, la queue entre les jambes, petit rouage perdu au sein d'un immense engrenage.

            Et la femme me conduisait, toujours, des heures durant, vers ces colossaux bâtiments d'apprentissage. Il était froid, le temps était aux pleurs et à l'impuissance. La poussière, de son gris coutumier, courait, poussée par les airs. Un violon désaccordé, sorti de je ne sais où, se fit entendre, formant une suite de notes dissonantes, comme essoufflées. La musique se joignait aux milliers d'élégies hurlées par des milliers d'oiseaux bafoués, violés par l'énorme chose contre-nature qui s'élevait jusque dans les nues, qui se perdait jusqu'aux bords de l'horizon. Cette monstruosité, cette horreur impensable, souriait de toutes ses dents carnassières. Ses pensées inhumaines me suivaient où que j'allais, sa voix me sussurait à l'oreille, nuit et jour, déposant en mon esprit, son lit de douleur. Ses griffes vengeresses me déchirant, laissant mes tripes de métal pendre pathétiquement hors de mon corps mi d'acier mi de chair.

            Enfin, je franchis les grandes portes coulissantes. L'intérieur du local était sombre et glacial. La troupe d'écrans plats me faisait désormais face, me répétant sans cesse telle et telle loi. Je préférais détourner le regard, me concentrant sur le dos de la femme. Elle était humaine, cela ne faisait aucun doute. Mais où était passée son âme ? Elle déambulait, le pas raide, comme l'un de ces droïdes qui dataient de l'avant-guerre, simulacres vaguement humains. Le droïde-femme ne m'adressait pas la parole, débordée par je ne sais quelle paperasse administrative imaginaire. Elle était bel et bien morte, et pourtant, elle marchait. Elle marchait de son pas raide et saccadé.

            Je me demandais ce qui avait bien pu la faire changer à ce point. Un lavage de cerveau, sûrement. Une petite piqûre, un film ou deux, de la propagande à tout va. "Si vous faites ce que l'on vous DICTE, vous monterez l'échelle sociale jusqu'au summum." Mais, personne, malheureusement, ne comprennait que seuls les hauts-nés pouvaient diriger. Notre système politique, se nommant lui-même Démocratie, ressemblait étrangement à une monarchie. Les mêmes familles se passant le pouvoir de génération en génération, le Grand Conseil rempli de gens à la cervelle écrasée. En un mot, inefficace. Et la planète tournait, peuplée de créatures désespérées, naïves ou sans jugeote aucune.

            Il fallait maintenant prendre à droite, si je voulais en finir pour cette nuit. Le corridor était sordide, comme si quelque crime innommable s'y était produit. Des traces de moisissures décoraient les murs d'un blanc sale. Les plafonniers, vétustes, éclairaient l'endroit par intermitence. L'air était humide et désagréable, des odeurs fugaces, peu rassurantes, flottaient çà et là. La porte, de son gris habituel, me faisait des gestes obscènes, tout en restant immobile aux yeux de tous. Peut-être avait-elle été placée là pour me conduire à ma perte, pour me rappeler, comme ces écrans, comme cette bète contre-nature, que je ne pouvais gagner, que jamais aucune issue ne se présenterait à moi. Peut-être aussi était-elle là pour fermer la pièce qui contenait les valises. Qu'en sais-je ?

            La femme-morte, pour la première fois, se retourna, après avoir ouvert la porte-monstre. Je connaissais son regard, pour l'avoir vu des milliers de fois chez des milliers d'administratifs-morts, je comprennais ce qu'il signifiait. Et malgré ma rage, malgré mon désir de m'enfuir et d'ensuite lutter contre le monde, de joindre les petits clans de résistants qui partout se créaient, j'obéis, m'exécutais. La mort dans l'âme, le coeur au bord des lèvres, j'entrais dans la pièce que le monstre gardait. J'y pris mon bagage et suivis la femme.

 

 

            Une nouvelle année commençait.

 

 

 

Samedi 23 mai 2009 à 15:38

Bondage


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Compression du corps mais aussi de l'esprit. Liens de cordes, de chiffons.
Contradiction : ressentez le mouvement dans un acte qui emprisonne, qui empêche de se déplacer.

Une pièce. Sombre. Le sol, mélange de parquet, de poussière, de fluides vitaux séchés et de débris inidentifiables. Des coussins éventrés décorent les lattes grinçantes. Des objets tranchants, d'autres contondants s'entassent à chaque coin de la chambre. Les murs, d'un rouge noirâtre. Moisissure. Des cadres. Vides. D'autres pas. Le portrait d'une vamp, clope au bec.  Les fenêtres, volets clos. Des rideaux, du même rouge sale et inquiétant. Déchirés. Une porte. Petite. Marques de coups, éraflures. La poignée, couleur bronze, vieillie par le temps. Au centre, une grande table basse recouverte d'une fourrure pleine de plis et de replis. Sombre, elle aussi. Sur cette surface vileuse, une femme. Les mains liées. Une vieille camisole de latex d'un blanc crasseux l'enserre. Un bâillon "ball gag" dans la bouche. La bave qui coule. Elle ne crie plus. Épuisée.
Un homme. De dos. Une femme. De dos. Ils regardent la créature qui se débat faiblement, enviable. Pourtant, ils ne sont que deux dans la mansarde. Il s'avance. La regarde. Par dessus son épaule gauche, on la voit. Elle tente de reculer. Elle échoue. Il sourit. Elle gesticule de plus belle. Désirable. L'homme porte un grotesque masque de zèbre. Il est enveloppé d'une ample cape. Noire. Il s'accroupit. Son bras droit sort des puissants froissements de la mante. Il approche sa main du visage effrayé de l'être, le caresse. Calme. Elle tente de hurler. N'y parvient pas. L'homme la gifle, murmure à son oreille des paroles qui se veulent apaisantes. Il fait glisser ses doigts sur le cou de la fille. Doucement d'abord. Il la sent frémir, perd le contrôle, l'étrangle. Elle gémit, elle remue. Il relâche la pression. Embrasse amoureusement les traces laissées par ses phalanges. Il s'en va.

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